Le svastika ou swastika

Publié le par Sv.

Le svastika ou swastika, 卐, mot sanskrit dérivé de su (« bien ») et de asti (« il est »)1, avec la variante orthographique sauvastika parfois attribuée à son symétrique 卍, est un symbole que l'on retrouve en Europe (y compris dans l'art chrétien), en Afrique, en Océanie, aux Amériques (Amérique précolombienne chez les Mayas et amérindiens Navajos et Kunas) et en Asie jusqu'en Extrême-Orient. Il apparaît à l'époque néolithique pour la première fois dans la préécriture de la culture de Vinča. Cette ubiquité temporelle et spatiale lui a parfois valu le nom de « symbole universel ». On peut le décrire comme une croix composée de quatre potences prenant la forme d'un gamma grec en capitale (Γ), d'où le nom de croix gammée qui lui est parfois donné.
Ce symbole est actuellement utilisé en Asie et tout particulièrement en Inde. Il est le symbole premier du jaïnisme, considéré par ses adeptes comme le plus favorable de tous les symboles. Pour les hindous, il symbolise, parmi d'autres sens, le dieu Ganesh qui est fort populaire, c'est toujours un symbole omniprésent chez les bouddhistes. En Chine, il symbolise l'éternité.

Étymologie


Le nom svastika est un terme sanskrit apparaissant pour la première fois dans les épopées « Rāmāyana et « Mahābhārata ». On peut l'analyser comme un mot composé de svasti et du suffixe diminutif -ka. Le sens de svasti est « bonne santé, bonne fortune » (c'est aussi une interjection équivalent au français « vive... ! ») ; il est lui-même formé de su, « bon » (cf. grec ancien εὗ, indo-européen commun * h₁su-) et de asti, « existence » (du radical as, parent du radical indo-européen du verbe être, soit * h₁es-, d'où provient la plupart des verbes être indo-européens). Svastika peut donc se traduire comme « ce qui apporte la bonne fortune, ce qui porte chance ».
Le svastika inscrit dans un carré peut être retourné comme s'il était vu dans un miroir, donnant deux versions de sens opposé. On le qualifie donc de « dextrogyre » (dextro = droite ; gyro = tourne) lorsqu'il tourne dans le sens des aiguilles d'une montre, et de « lévogyre » (ou encore « sénestrogyre ») dans le cas contraire.


Rotation lévogyre (sens inverse des aiguilles d'une montre)

Si l'on considère qu'il s'agit à l'origine de la représentation symbolique d'une rotation (symbole solaire diurne ou, à l'inverse, symbole stellaire nocturne), on a tendance à considérer que celle-ci s'effectue dans le sens inverse de celui indiqué par les pointes ; les coudes de la croix, et non la pointe des barres, indiquent donc le sens de rotation (on peut se le représenter de façon imagée comme s'il s'agissait de quatre petits drapeaux qui sont entrainés vers l'arrière quand la roue tourne). C'est aussi le cas du triskèle, où cette fois les trois branches représentent des jambes pliées dont les genoux sont tournés vers l'avant.

Origine et signification

C'est l'un des plus anciens symboles de l'humanité que l'on retrouve sous plusieurs formes dans la majorité des civilisations du monde, bien qu'il n’ait pas toujours la même signification. Les différentes graphies inspirées de la forme du svastika ont pu naître indépendamment les unes des autres, bien que certaines soient liées historiquement (svastikas indien et bouddhique, svastika indien et svastika du XXe siècle européen).
Les premiers svastikas connus se trouvent en Ukraine à Mezin vers 10000 av. J.-C. Puis viennent ceux retrouvés sur des poteries de la culture de Samarra, établie sur le moyen Tigre et jusqu'au moyen Euphrate, sur la céramique Vinca de Transylvanie et datant du Ve millénaire av. J.-C., suivis par ceux des poteries de Sintashta au Sud de l'Oural datant du IIe millénaire. Leur présence se fait plus importante à partir de l'âge du bronze. Les principales occurrences du svastika en Europe et en Asie centrale sont : dans le Caucase (culture de Koban), en Azerbaïdjan, chez les Scythes et leurs parents les Sarmates, chez les Hittites, les Celtes (triskell), les Grecs (grecque), et les peuples germaniques (notamment les Goths ; fibule [archive]). Plus tard, on en trouve en Islande deux versions, le marteau de Thor (elle apparaît aussi sur la ceinture de Thor sur le tableau de M. E. Winge (1872) où il affronte les géants) tournoyant dans le ciel et représentant le soleil, et le Þórshamar des grimoires ; le lauburu est typique du Pays basque. Le svastika apparaît également dans de nombreuses cultures d'Asie, d'Afrique et d'Amérique. On le trouve dans deux idéogrammes chinois 卐 ou plus couramment 卍, signifiant « dix mille » (c'est-à-dire l'éternité) ou « le cœur de Bouddha ».
Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer l'ubiquité du svastika. Une explication triviale est qu'il s'agit d'un motif décoratif facile à exécuter. Une autre, qui fait appel aux fonctions symboliques communes à tous les humains, suggère qu'il s'agirait à l'origine d'une représentation d'un mouvement rotatif : rotation apparente du soleil dans sa course diurne, comme celle de la lune et des planètes, de gauche à droite dans l'hémisphère Nord (soit dans le sens des aiguilles d'une montre) ; rotation du ciel nocturne autour de l'étoile polaire (rotation inverse, due au changement de point de vue de l'observateur, tourné vers le Nord et non plus vers le Sud). D'autres corps célestes ont été proposés, une comète par exemple, selon l'astronome Carl Sagan, au vu de celle représentée dans un manuscrit chinois de Mawangdui. Chez les Navajos, il s'agit de la rotation d'une bûche.
La signification et l'importance du svastika varient selon les cultures et les époques. Il peut n'être qu'un signe parmi d'autres comme sur les poteries Vinca, ou un symbole religieux prééminent comme dans l'hindouisme et le bouddhisme. De nos jours, par exemple, le svastika levogyre (卍) est utilisé pour marquer les temples bouddhistes sur les plans de ville japonais.

Autre signification

Pour René Guénon, le mouvement circulaire exprimé par ce symbole est utilisé pour mettre en évidence l'axe de la figure, seule partie immobile et symbole de l'immuabilité d'un principe transcendant. Affirmant que cette croix doit être considérée comme une figure horizontale il y voit un « signe du Pôle », qui serait un des symboles les plus anciens de la « tradition primordiale », d'origine polaire et mère de toutes les autres traditions. Ce symbole aurait ainsi été conservé, en oubliant plus ou moins son sens, par les religions actuelles. Pour lui le sens de rotation n'a pas d'importance dans ce symbolisme et peut être considéré comme la vision d'un même objet par une face ou par l'autre. Quant au terme de « sauvastika » il n'y voit qu'un adjectif dérivé de « svastika » qui désigne simplement, en sanscrit, ce qui a un rapport avec ce symbole.
Pour Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, le svastika est symbole d'action, de manifestation et de régénération perpétuelle puisqu'elle indique par son graphisme le mouvement.
Pour Héléna Blavatsky, fondatrice de la Société théosophique, c'est, pour les ésotéristes et les occultistes, le diagramme le plus mystique et le plus ancien et il est aussi sacré que la tetraktys de Pythagore.


Le svastika dans les religions


Comme l'indique son nom sanskrit, le svastika est dans les mystiques orientales un signe de bon augure. Bien que se retrouvant dans toutes les cultures de l'humanité préhistorique, son utilisation systématique vient de l'Inde, correspondant à la compréhension hindoue du monde, et est donc utilisé aussi par le bouddhisme et surtout par le jaïnisme, qui sont toutes deux des religions d'origine indienne.
Il est principalement un symbole cosmique mettant en scène le mouvement perpétuel de rotation autour d'un point fixe, celui de l'univers qui subit toutes les évolutions, de tous les cycles, de la transcendance. Il représente plusieurs forces positives, comme Ganesh dans l'hindouisme, dieu que l'on invoque pour tout commencement comme étant celui qui écarte les obstacles, parfois représenté sur un lit de svastikas. Chez les bouddhistes il représente la connaissance ésotérique et la roue du dharma.

Hindouisme


Dans la religion hindoue, les deux sens de rotation sont associés à l'activité du dieu Brahma constructeur de l'univers : le svastika proprement dit pointant vers la droite représente la construction, la croissance (Pravritti), alors que celui pointant vers la gauche, appelé sauvastika , représente l'involution, la destruction ( Nivritti). Inscrit dans un carré à base horizontale (graphie nettement plus fréquente que la position à 45°), il représente la stabilité, ses branches indiquant les quatre orients. Il peut également être le symbole du dieu solaire Surya. Le svastika pointant vers la droite, auspicieux et bénéfique, est presque seul représenté et jouit d'une popularité inaltérée par les événements en Europe. On le retrouve même sur des objets non proprement religieux. Le sauvastika, considéré comme lié au temps (connoté négativement), n'est en général pas employé. Au Bengale, Svastika est un prénom courant.

Jaïnisme

Le svastika y joue un rôle encore plus important que dans l'hindouisme et représente le Tirthankara Suparsva, septième « faiseur de gué » du jaïnisme. C'est l'une des 24 marques auspicieuses. Tous les temples et textes jaïns portent ce symbole, qui est dessiné sept fois avec du riz autour de l'autel avant chaque cérémonie. Symbole Jaïn ; le svastika est un symbole majeur et omniprésent dans le jaïnisme, religion de la non-violence. Ici, les quatre points bleus entre les branches du svastika représentent les quatre mondes : en haut à gauche, le monde des hommes ; en haut à droite, le monde des dieux ; en bas à gauche, le monde des animaux et des plantes ; en bas à droite, le monde des démons : seul le monde des hommes est ouvert à la délivrance, grâce aux trois joyaux (en vert) du jaïnisme (vision juste, connaissance juste, conduite juste), qui permet d'accéder à la libération du cycle des réincarnations (le candra-bindu : en jaune).

En Inde

En Inde, c'est un symbole omniprésent, non seulement sur les temples, mais aussi sur les maisons, dans les rues, les objets, en tant que symbole religieux, spirituel et métaphysique du cosmos et de la vérité (ekam satya, aneka panthi est un vers du Véda qui signifie « Une seule vérité, plusieurs chemins »). Le Svastika représente d'ailleurs la « société noble » (ârya samaj) pour les Hindous, composée des brâhmanes (savants), kshatriya (Défenseur), vaïshya (paysan-artisan) et shûdra (serviteur), ou comme le définit le Manusmriti (lois de Manu) :
« 62. La mort, sans l’espérance d’une récompense, pour les Brâhmanes et les vaches, ou dans la défense de femmes et d’enfants, garantit la béatitude à ceux ne faisant pas partie de la communauté Ârya (les Vahya). L'ahimsâ (respect impérieux de la Vie, non-violence), la véracité, l'abstention de s'approprier les biens d'autrui, la pureté et le contrôle des sens, Manu a ainsi déclaré que tout cela peut être considéré comme le résumé du Dharma pour les quatre Varna d'Ârya (« noble »). (Livre X) »
Enfin, les Jaïns — le jaïnisme étant une religion morale qui a pour premier credo la non-violence (ahimsâ) — utilisent tout spécialement le svastika pour symbole de l'Harmonie cosmique, et bien sûr à chacune de leur cérémonie : le centre du svastika symbolise l'âme libérée du cycle des réincarnations, tandis que les quatre branches représentent : 1. le monde des démons ; 2. le monde des végétaux ; 3. le monde des animaux (l'homme fait partie du règne animal) ; et 4. le monde des divinités ; l'âme libérée est au centre car elle est en paix éternelle – délivrée des naissances et des morts en ces différents corps et destins de démons, de végétaux, d'animaux et de divinités, grâce à la pratique de la non-violence et de l'ascèse absolues (pour le jaïnisme, le svastika ordonne ainsi la Non-violence directe et indirecte envers toutes les créatures, qui ont toutes la même âme, la même vie, le même vouloir-vivre dans des conditionnements différents et éphémères).


Bouddhisme

Le svastika a été utilisé par les bouddhistes probablement dès la fondation de cette religion aux alentours du VIe siècle av. J.-C. En dehors de l'Inde, svastika et sauvastika ont d'abord été indifféremment utilisés, les deux formes étant considérées comme aussi favorables l'une que l'autre. Néanmoins, l'apparition du sinogramme wan 卍 vers l'époque des Liao a favorisé la forme pointant vers la gauche, plus fréquemment employée.
Le caractère chinois a été créé sous la dynastie Liao (907-1125). Il existe sous deux formes, la forme traditionnelle : 卍, est inversée par rapport à la forme simplifiée : 卐 (pinyin wàn, équivalent de 萬 / 万, « 10 000, myriade »), représente directement un svastika pointant vers la gauche ; il symbolise dans le bouddhisme chinois la réalisation des dix mille mérites, qui promettent le nirvâna (voir le sūtra ci-contre) ; le Bouddha, ainsi que le bodhisattva Guanyin (bodhisattva de la compassion) les portent d'ailleurs parfois, dans l'iconographie chinoise, sur la poitrine ou sur le front. Dans le bouddhisme zen, c'est le « sceau de l'esprit de Bouddha ». Ce symbole est utilisé pour noter les temples bouddhiques sur les plans de ville à Taïwan et au Japon. La valeur de « soleil » lui fut attribuée par l'impératrice Wu Zetian lors de sa tentative de création de nouveaux sinogrammes. Au Japon, les deux formes de svastika sont quelquefois associées aux deux composantes de l'illumination : le svastika pointant vers la gauche, en japonais omote manji (svastika externe) ou simplement 卍 (まんじ, manji) représente l'amour et la compassion (associés au bouddha Amitabha), alors que le svastika pointant vers la droite, ura manji (svastika interne) ou gyaku manji (svastika inversé) représente la sagesse et l'énergie associées à Akshobhya.

Chez les Tibétains, le svastika est appelé (g.yung-drung), ce qui signifie « éternel ». Traditionnellement, les bouddhistes tibétains adoptent le svastika pointant vers la droite comme les Indiens, tandis que les bonpos, pratiquants de l'ancienne religion tibétaine prébouddhique Bön, utilisent le svastika pointant vers la gauche. Chez les bouddhistes tibétains bonnets rouges - titre donné aux écoles du bouddhisme tibétain portant une coiffe noire, Kagyüpa, Sakyapa, Nyingmapa.– école dont sont issus les karmapas et autres grands maîtres du bouddhisme originel - , le svastika est sénestrogyre, c’est-à-dire qu’il tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre ; au contraire, chez les bonnets jaunes, école étant la seule à porter une coiffe jaune – dont sont issus les dalaï-lamas et les panchen-lamas - , le svastika est dextrogyre, c’est-à-dire qu’il tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. En ce cas il représente la renonciation, mais symbolise aussi la course visuelle du soleil. Ce caractère est également utilisé dans l'écriture dongba, prononcé ɯ33 et représentant le bien, le bon, de la minorité Naxi, reflétant au Tibet des restes toujours vivants de la culture Bön et des traditions tibétaines prébouddhiques.

En Corée, le svastika est très courant dans les rues où il indique un lieu bouddhiste.
Au début des années 1920, le mouvement religieux syncrétiste Dao Yuan (道院 Maison du Dao) fonda en Chine l'organisation charitable du Svastika rouge, dont les activités s'interrompirent après 1949 ; les branches de Hong Kong et Singapour, encore actives, patronnent des écoles et des hôpitaux.

Mythologie basque

Dans la mythologie basque, Sugaar est le pendant mâle d'une déité préchrétienne basque associée aux orages et à la foudre. Il est en général représenté par un dragon ou un serpent. Contrairement à son épouse Mari, il subsiste hélas peu de légendes à son propos. Il est représenté dans une forme similaire au svastika, le lauburu, mot qui signifie littéralement « quatre têtes ». Ce symbole remonterait au moins au Néolithique, à l'époque pré-indo-européenne.


Autres spiritualités et cultures


On le retrouve également en Bretagne où il est nommé hévoud, signifiant « bien-être » en langue bretonne.
Certaines tribus indiennes d'Amérique du Nord l'utilisent, particulièrement dans le Sud-Ouest des États-Unis, lui donnant chacune une signification différente. Ainsi chez les Hopis il représente les pérégrinations des clans alors que chez les Navajos c'est la « bûche tournoyante » liée aux rites de guérison. Le svastika a été retrouvé dans les sites archéologiques de la civilisation du Mississippi, dans l'Ohio.
C'est un motif traditionnel chez les Kunas de Panama qui le font figurer sur le drapeau de leur territoire autonome de Kuna Yala.
Dans la mythologie lettone, il est appelé « croix de tonnerre » (zibenkrusts) ou « croix de feu » (ugunskrusts).
Chez les francs-maçons, il est le symbole de l'univers, le centre du svastika représentant l'étoile polaire, tandis les quatre branches symbolisent les quatre points cardinaux.
Des mouvements religieux modernes l'utilisent ou l'ont utilisé de façon emblématique et en référence à sa signification originelle : la religion vietnamienne Cao Dai, le Falung Gong, Ásatrú ; le Mouvement raëlien l’avait combiné avec l’étoile de David dans son logo, changé en 1991 en retirant le svastika par respect pour les juifs qui auraient pu se sentir blessés de voir le svastika lié à l’étoile de David. Le chef spirituel du mouvement raëlien a, par contre, réintégré le svastika en 2007 dans le logo originel (sauf en Israël).

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article